Création du Conseil national de la médiation: une bonne idée pour le service public de la justice

Par Catherine Peulvé, Sophie Henry, Déléguée générale du CMAP et Louis Dekos, avocat associé du Cabinet K&L Gates

Cette nouvelle structure, composée de personnalités qualifiées, a pour missions de concevoir des règles déontologiques, mettre au point des référentiels de formation et proposer les modalités d’inscription des médiateurs sur la liste prévue par la loi

Le Conseil national de la médiation, dont la création a été validée par le Parlement au printemps dernier, était attendu de longue date par les acteurs de la médiation que sont les magistrats ou les associations regroupées au sein du collectif Médiation 21. Cette nouvelle structure, composée de personnalités qualifiées, a pour missions de concevoir des règles déontologiques, mettre au point des référentiels de formation et proposer les modalités d’inscription des médiateurs sur la liste prévue par la loi. Ces missions sont évidemment essentielles afin de régir la médiation au sein du service public de la Justice , mais elles ne le sont peut-être pas pour tous les types de contentieux des entreprises. En effet, dans le domaine judiciaire, la médiation doit être encadrée et répondre à des critères de mise en œuvre (coûts, délais...) ainsi que des modes de sélection et de désignation des médiateurs qui soient homogènes entre les juridictions, afin d’assurer une égalité d’accès à la médiation pour tous les justiciables. Il est en revanche difficile d’envisager que le champ d’intervention du Conseil ait vocation à s’étendre à la médiation conventionnelle, ou encore à la médiation internationale.

En matière de médiation conventionnelle, décidée par les deux parties concernées, les entreprises sont avant tout favorables à la flexibilité, ressort essentiel pour elles de recourir à ce mode de règlement des différends. Elles sont aussi particulièrement attachées à la confidentialité et la discrétion inhérentes à la médiation conventionnelle qui interdit à un organisme tiers, fut-il baptisé Conseil national de la médiation, de pouvoir collecter des données ou de limiter, en droit ou en fait, le libre choix des médiateurs par les parties.

Mécanismes non-étatiques. C’est encore plus vrai de la médiation en matière internationale, qui se pratique depuis toujours en acculturant les divers systèmes de droit et d’usages économiques. Celle-ci est en plein essor actuellement sous l’impulsion, notamment, des pays anglo-saxons où le recours aux mécanismes « non étatiques » de résolution des conflits internationaux est plus habituel.

Il faudrait éviter que la France, terre d’accueil de nombreuses médiations internationales, du fait qu’elle est une des toutes premières places d’arbitrage international, ne vienne à être délaissée au profit d’autres places concurrentes qui n’imposent aucun encadrement et n’exigent du médiateur choisi par les parties aucune condition de formation, d’inscription...

Hors la médiation judiciaire ou le préalable de médiation obligatoire pour certains litiges, il est crucial que les règles bientôt issues du Conseil national de la médiation n’incluent pas les champs d’application des autres médiations.

Dans l’intérêt des entreprises, et de l’attractivité économique et juridique du pays , la « médiation privée », conventionnelle ou internationale, doit continuer à être régulée par les acteurs de ce marché. Elle saura, sans nul doute, tirer profit des avis du Conseil national de la médiation publique, légale et judiciaire, pour faire évoluer parallèlement ses pratiques. Mais ce sont les parties, les entreprises, qui, librement, décideront de la médiation qu’elles souhaitent, du médiateur qu’elles veulent et de l’accord de médiation qui leur agrée. Pacta sunt servanda.

Carole Delva